samedi 21 mars 2009

L’ARME DU CRIME , pastel sur papier, 105 x 75 cm, 2008


Artiste pluridisciplinaire, Adrien Vescovi opère en termes de glissement et de détournement; non sans humour, il crée un univers empreint de poésie où l’absurde domine. La plupart de ses œuvres s’élaborent en sorte d’énigme articulée autour de « micro-événements ». Il faut pour le spectateur reconstituer mentalement le processus d’appropriation de l’artiste pour que l’œuvre livre tout son sens. Adrien Vescovi rejoue et se joue de la réalité, il met en place des jeux d’image mais aussi de langage. L’aspect ludique est déterminant même si les propositions de l’artiste peuvent avoir une teneur dramatique ou grave.

 Le titre de l’exposition fait référence au film de Jim Jarmusch intitulé Dead Man. Cette réplique du film est une sorte de défi que l’indien Nobody lance à Blake le héros du film. Il s’agit pour l’artiste d’un moment trouble ou le doute s’installe, la question est de savoir s’il aura le courage de relever le défi ou non ; question que l’artiste se renvoie à lui-même. Il imagine cette exposition comme une sorte d’univers imaginaire ou l’ensemble des œuvres crée une narration, une fiction dans laquelle le spectateur se perd.


LE MONDE PERDU, crayon papier, 100 x 80 cm, 2009


La réactualisation d’images d’archives est une méthode qu’Adrien utilise fréquemment, il prélève donc sur le réel pour ensuite le réactualiser en faisant naître de nouvelles fictions. Il nous fait voyager aussi bien temporellement que géographiquement, il brouille les pistes au point que nous ne pouvons plus distinguer l’actuel du passé, le vrai du faux. La finalité des œuvres est de mettre en péril le réel, de l’épuiser[1]Élever des barricades, photographie réalisée en 2008, reprend les codes esthétiques d’images des barricades de mai 68 mais rejoués de nos jours à Sèvres. Par le jeu de décontextualisation et de référence, le doute s’installe : s’agit-il d’images d’archives ou d’une quelconque actualité, s‘agit-il de fiction ou de réalité…Stupid white men ,vidéo faisant référence au film Dead Mande Jim Jarmusch, met en scène un cycliste qui apparaît dans une cour cernée d’immeubles dévastés, un ghetto en plein centre de Genève. Il répand derrière lui une fumée blanche. Le plan fixe renforce l’absurdité de la situation. Il ne se passe donc rien de rationnel ni de narratif, aucun élément ne peut nous permettre la compréhension de ce qui se déroule sous nos yeux. La banalité de la scène, d’un calme absolu, est pourtant déconcertante; de là proviennent le malaise et le doute. La dimension absurde n’est pas sans rappeler Bouvard et Pécuchet de Flaubert : les deux personnages principaux, par leur volonté de compréhension du monde qui les entoure,  ne mènent que des expériences désastreuses ; ces expériences laissent toutefois entrevoir un champ de possibilités infini.


Nacht und Nebel, photographie 2007. 


Adrien Vescovi fait également allusion à divers domaines technologiques (militaire, scientifique, construction, jouets) qu‘il parodie le plus souvent en les rendant insignifiants ou inoffensifs , par exemple avec une grenade réalisée en Lego, ou avec des œuvres telles que czech hedehong, 2008 et Image minée, 2006, où il revisite le matériel militaire. Avec Pliages en l’air, 2009, travaux réalisés en papier et présentés dans l’exposition, Adrien Vescovi mélange des champs lexicaux et techniques. « Pliage en l’air » est en carrosserie un terme qui désigne le procédé de pliage de la tôle.Ici l’artiste offre à notre regard un dé-pliage d’avion en papier. Le pliage est reconstitué « à rebours »[2] : ce qui fut n’est plus, mais le papier a gardé les traces de plis, nous pouvons donc reconstituer mentalement ces avions, pour en avoir nous-mêmes réalisés enfant.Dans une série de portraits intitulée Qui est-ce? l’artiste se grime pour se créer diverses identité. Inscrite dans la tradition de l‘autoportrait, mais réalisée avec autodérision, l’oeuvre se parodie et se positionne de manière humoristique dans le contexte de l’histoire de l’Art. Le rire provoqué par les effets de surprise (pourtant simples) est ce rire souverain qui permet de mettre à distance de soi et de surpasser les contradictions du réel.

czech hedehong, 2008

La réalité à laquelle s’attelle Adrien Vescovi est, nous l’avons vu, plurielle : de la mémoire collective aux objets du quotidien, il passe en revue tout ce qui l’entoure et qui compose son iconographie personnelle. L’univers intérieur de l’artiste se dévoile et permet de donner un autre sens au monde, pour ainsi questionner notre relation aux images et à leur degré de véracité. Ne plus pouvoir distinguer ce qui est vrai de ce qui est de l’ordre de la fiction, voilà en quelque sorte ce qui pourrait résumer l’approche de cet artiste singulier.
    Yann Perol
 
 
1 En référence au roman de Georges Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien.
2 Titre d'un roman de Joris-Karl Huysmans.






Adrien Vescovi est né en 1981 en France.Vit et travaille à Paris

Stupid white men, 2009.

Expositions personnelles  

Be quiet and goGalerie The Window 41, Paris, 2009.
Qui n’a guère de réalité, Galerie Van der Stegen, Paris, 2008
Tous nos jeux étaient les mêmes, La générale en manufacture, Sèvres, 2008 


Expositions de groupe

Summer Camp, Galerie The Window 41, Paris, 2010.
Opération tonnerre, une proposition de United Artists et Isabelle Lenormand, Mains d’œuvres, Saint-Ouen, 2009
Ligne à ligne, une proposition de Michel Nuridsany, Galerie Nationale d'Indonésie, 2009
Portraits de famille, une proposition de L’Utile-Ignorance, Strasbourg, 2009
Playtime, une proposition de Mélanie Bouteloup, Béton Salon, Paris, 2008
Mulhouse 008, La création contemporaine issue des écoles d’art européennes, 2008
Vidéo’appart, une proposition de Indira Tatiana Cruz, Paris, 2008
Gaude mihi, galerie Pascal van Hoecke, Paris, 2007
Première vue, une proposition de Michel Nuridsany, Passage de Retz, Paris, 2007
777, une proposition de Patrick Amine, Galerie Evi Gougenheim, Paris, 2007
Jeux de guerre, une proposition de Pascal Bernier, Galerie Evi Gougenheim, 2007
Warm up, Paris, 2006
Launching Code #3, Galerie Code, Bruxelles, 2006
 
Résidences
Le Triangle, Marseille, 2009
La générale en manufacture, Sèvres, 2008